Data et carte mondiale de la biodiversité
Maxime Blondeau est décidément LE cosmographe à suivre sur Linkedin > son profil. C’est encore grâce à lui que je découvre le fabuleux travail du Laboratoire des Nations Unies sur la Biodiversité (UNBL). On ne le dira jamais assez : collecter des données, c’est essentiel, et permettre l’accès simple et scénarisé à ces données, c’est encore plus important (lire « comment améliorer les jeux d’open data« ).
Une carte mondiale pour explorer la biodiversité
Sans plus attendre, voici l’outil cartographique et data merveilleux que l’UNBL a créé, avec des dizaines de filtres pour afficher des collections de données et ce, pays par pays :
https://map.unbiodiversitylab.org/earth
Alors partons en quête des visions data de la Vendée qui m’interpellent (après tout, c’est l’un des sujets principaux de ce blog), vous allez être surpris (ce n’est pas un hameçon, vous allez vraiment être surpris).
Données sur le stress hydrique en Vendée
La base de données AQUEDUCT 4.0 « Baseline water stress » contient des mesures du total annuel d’eau consommée (par les villes, l’industrie, l’agriculture, etc.) et la carte ci-dessous donne le pourcentage de consommation par rapport à la quantité d’eau disponible. Cette base prend en compte des indicateurs variés tels que la quantité d’eau, la variabilité de cette quantité, la qualité de l’eau, le degré de prise de conscience local des enjeux liés à l’eau, l’accès à l’eau et la vulnérabilité de l’écosystème.
1ère SURPRISE : la moitié sud-ouest de la Vendée est classée en risque extrêmement haut (80%), ce qui veut dire que nous sommes particulièrement exposés au risque de stress hydrique. Certes, ce n’est pas une nouveauté dans le sens où l’on sait que la Vendée a surtout des eaux superficielles (notre eau potable vient à 90% de là, contre 30% en moyenne en France) et que deux activités les pompent principalement : l’agro-industrie et le tourisme. Cependant, je ne pensais pas qu’on était LA zone de France LA plus exposée au risque de stress hydrique (avec la côte charentaise)…
De ce que j’ai pu observer, les politiques publiques de gestion de l’eau en Vendée sont classiques :
- passer un arrêté en cas de sécheresse (donc réagir plutôt que prévenir)
- stocker dans des retenues ou des méga-bassines (avec les défauts qu’on leur connaît)
- et quand même innover avec le projet Jourdain (démonstrateur recyclage des eaux usées en eau potable)
Mais, comme d’habitude, personne ne parle de sobriété ou de transition, tout juste d’adaptation…
Les conclusions des études globales basées sur ces données sont pourtant sans appel :
- Un quart de l’humanité est actuellement exposé à des risques élevés de stress hydrique, et 4 milliards de gens y sont exposés au moins une fois par mois dans l’année. En 2050, l’estimation grimpe à 60% des humains !
- L’eau est essentielle si l’on veut pouvoir nourrir une population qui augmente encore et leur assurer le minimum vital (hygiène, etc.) en dépit du réchauffement climatique. Alors que les pays se concentrent sur la transition énergétique pour ne plus avoir recours au fossile, peu ont déjà pris conscience et commencé à améliorer leur gestion de l’eau, tout aussi vitale. Il y a urgence !
Données sur la biodiversité en Vendée
Je découvre, avec un autre filtre de données sur la carte, le BERI (Bioclimatic Ecosystem Resilience Index), c’est-à-dire une représentation de la capacité des écosystèmes à conserver une biodiversité au fil des décennies. Cet index prend en compte la configuration des habitats naturels des principaux groupes d’espèces (les réservoirs de biodiversité) et leur connexion à la grille écosystémique locale (les corridors écologiques, etc.). Et là encore, 2ème surprise, la Bretagne et la Vendée sont considérées comme ayant une biodiversité très peu résiliente :
En ce qui concerne la Vendée, plusieurs facteurs ont mis en danger la biodiversité locale. Actuellement, les zones humides (marais du littoral Atlantique) sont en train de dégrader (déséquilibres dûs au changement climatique, prolifération d’espèces invasives comme l’écrevisse de Louisiane par exemple, sécheresses sévères notamment en 2022, etc.). La LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) des Pays de la Loire révèle que 35% des mammifères sont menacés, 43% des reptiles, 35% des amphibiens, 35% des oiseaux nicheurs. Alors pourquoi ?
- L’agriculture intensive et la destruction des habitats naturels lors des remembrements de parcelles
- L’artificialisation croissante des sols (la loi ZAN est loin d’être appliquée complètement)
- Le changement climatique qui s’accélère
- La pollution lumineuse (pourtant, des solutions existent, cf. l’éclairage public rouge qui protège les espèces nocturnes)
- La pression de la chasse et du piégeage
Même si des initiatives sont prévues (plan Biodiversité-climat 2020-2023 dont je ne trouve pas la version 2024-???, plantation d’arbres, préservation de 2760ha d’Espaces Naturels Sensibles, etc.), la fragmentation des habitats naturels et l’intensité des activités humaines continuent de fragiliser nos réservoirs de biodiversité en Vendée. Là aussi, c’est une question trop peu abordée…
Des données sur l’adaptation des cultures vendéennes
Dans le filtre « Crop Suitability 2011-2100 » de la carte, on étudie les végétaux cultivés dans l’agriculture pour voir s’ils sont adaptés au changement climatique sur 2 périodes : 2011-2040 et 2071-2100, en fonction de leurs besoins en pluie et en irrigation :
3ème surprise qui n’en est pas vraiment une, la Vendée est largement dans le bas de l’échelle, ce qui montre que les cultures actuelles ne sont pas adaptées au climat à venir. Mais pour savoir de quoi on parle précisément, je suis allée rechercher une carte dont je vous avais parlé dans l’article « Data agricole : que cultive-t-on ici ? » pour les superposer et essayer d’identifier ces cultures inadaptées :
La catégorie « Grandes cultures » est la plus représentée (chiffres issus du site vendee.fr) :
- 93 319 ha de blés (dur et tendre), avec des impacts variables selon l’irrigation (baisse de 12% des rendements prévue sans irrigation, pertes de production pouvant atteindre 20 à 40% en cas de températures extrêmes, vulnérabilité accrue aux maladies et aux ravageurs avec la hausse des températures)
Evolution du rendement en France : 12-14 quintaux / hectare entre 1850 et 1945 > hausse continue de 14 à 70 quintaux / hectare entre 1945 et 1995 (mécanisation, intrants) > stagnation autour de 70-75 quintaux / hectare de 1995 à 2023 - 77 131 ha de maïs, la culture la plus vulnérable au réchauffement climatique (baisses de rendement jusqu’à 80% projetées pour le sud de l’Europe, perte de 1% de rendement PAR JOUR lorsqu’il est exposé à des températures supérieures à 30°C en conditions irriguées, et 1,7% / jour en conditions de sécheresse)
Evolution du rendement en France : 16 quintaux / hectare en 1948 > hausse continue jusqu’à 50 quintaux / hectare en 1980 et 110 quintaux en 2021 (mécanisation, intrants) > début de la baisse constatée en 2023 avec 95 quintaux / hectare en moyenne - 22 434 ha de tournesol, même s’il est considéré comme plus résistant à la sécheresse, le tournesol sera quand même affecté par le réchauffement (stress thermique important pendant la floraison, diminution de la teneur en huile des graines, altération des acides gras aux températures élevées)
Evolution du rendement en France : le tournesol a été introduit massivement seulement dans les années 1960s avec des espèces adaptées au climat français, en 1990 le rendement était de 20-22 quintaux / hectare, la sécheresse de 2022 l’a maintenu à 21 quintaux / hectare et en 2023 le rendement fut de 26-28 quintaux / hectare.
Il est urgent que les agriculteurs vendéens modifient leurs pratiques, ce qu’ils font déjà partiellement, notamment en introduisant de plus en plus de cultures de légumes secs, de féveroles, de pois, de lupin, de luzerne et de méteil (mélanges fourragers) et en favorisant la rotation des cultures pour lutter contre les maladies. Rappelons que l’agriculture occupe 71% de la surface totale de la Vendée qui est le 1er département céréalier des Pays de la Loire. Bonne nouvelle, la mogette est compatible avec le réchauffement climatique ! Son implantation est d’ailleurs passée de 750 ha en 2022 à 1030 ha en 2023 mais c’est bien peu par rapport aux 3 grandes cultures !
Des données précieuses et bien présentées
Cette carte a en réalité des centaines de filtres activables et, même si certaines données sont parcellaires (ne concernent que quelques pays par exemple), c’est une véritable mine d’or pour comprendre notre monde à l’aube de changements profonds. Elle est plutôt simple à manipuler, assez rapide à l’affichage, et il vous suffit de cliquer sur le petit rond « i » dans la légende pour comprendre à quoi correspondent les données qui s’affichent (malheureusement en anglais mais avec un outil de traduction…).
Je vous invite à aller l’explorer bien sûr, c’est par là : https://map.unbiodiversitylab.org/earth
A bientôt !