Pour ou Contre : Nouvelle centrale photovoltaïque à La Roche-sur-Yon

Une nouvelle centrale photovoltaïque est prévue sur le lieu-dit de « La Noue » à La Roche-sur-Yon en Vendée, l’occasion de se faire une idée des avantages/inconvénients et de comprendre la procédure de consultation publique qui doit permettre d’évaluer les impacts de cette installation sur l’environnement.

La centrale solaire d’Isle sur la Sorgue (pour que vous voyez à quoi ça ressemble en photo)

D’abord pourquoi se poser la question « pour ou contre » ?

En tant que citoyenne, intéressée par l’écologie c’est vrai mais loin d’être experte en la matière, je souhaite me faire une opinion sur ce projet de centrale photovoltaïque près de chez moi. Jusque-là, ça me semble plutôt normal. Seulement, quand je tape sur Google « avantages inconvénients centrale photovoltaïque« , je comprends rapidement que ça ne va pas être aussi simple. En effet, sur les 20-30 premiers résultats, je n’ai que des articles de référencement de sites d’entreprises photovoltaïques ou d’EDF (donc forcément pour), à part un seul article (ici) qui n’a pas la crédibilité suffisante (je ne connais pas le site, qui l’écrit, etc.) pour me convaincre seul. Les autres résultats glissent très vite sur de la publicité pour le photovoltaïque chez les particuliers et ce n’est pas ma question. Il a donc fallu, une fois de plus, faute d’informations impartiales suffisamment bien référencées, que je plonge dans les sources officielles, c’est-à-dire les documents de la consultation publique. Je vous présente bien sûr un résumé des pour et contre à la fin 😀

Comment fonctionne une consultation publique ?

Alors soyons clairs, ça n’a rien à voir avec une consultation du public, des habitants, des utilisateurs ou quoique ce soit. Il peut y en avoir en amont d’un projet (débat public, etc.) mais la loi (art. L.123-2 et R121-2 du code de l’environnement) n’y oblige pas vraiment (c’est une commission nationale du débat public qui peut le demander, ou alors il faut que 10 000 français le demandent, bref). En revanche, on a bien une sorte d’enquête qui doit être réalisée pour voir si le projet peut avoir un impact sur l’environnement et c’est le cas de cette centrale photovoltaïque en projet. Cela va donner lieu à plein de documents 😀 qui doivent être consultables par tout le monde et qu’on peut retrouver ici : https://www.vendee.gouv.fr/Publications/Enquetes-publiques-et-consultations-du-public/Roche-sur-Yon-La On va plonger dedans mais d’abord quelques infos sur le projet.

Les contours du projet de centrale photovoltaïque

Qui va la construire ? La société URBA346 qui est une filiale du groupe URBASOLAR (à savoir qu’à ma connaissance, ce sera sa première en Vendée car il en existe déjà 9 sur le département qui ont été construites par ARMORGREEN, EOLFI, Volta développement, JPEE et Solaire Direct – jeu d’open data sur les installations solaires photovoltaïques au sol en Pays de la Loire ici)

Où ça ? Au lieu-dit « La Noue » au niveau du diffuseur autoroutier de l’A87 avec la route départementale RD 948, sur un terrain (un « délaissé autoroutier ») de 6,1 ha entre les bretelles d’échange entre ces deux axes routiers, possédé actuellement par Autoroutes du Sud de la France (ASF) du groupe Vinci Autoroutes, juste à côté de l’aire de covoiturage qu’on voit ci-dessous.

A quoi ça va ressembler ?

  • Occupation au sol : espace clôturé de 4,3 ha sur les 5,1 ha du terrain
  • 8676 panneaux photovolotaïques de 500 Wc chacun, soit 4,3 MWc en tout
  • 5,18 GWh de production annuelle estimée (soit la conso électrique actuelle d’environ 822 foyers)
  • Les panneaux seront installés par groupes de 18 sur 482 tables dont les fondations devraient être des pieux battus (si vous voulez tout comprendre aux pieux, un bon article)
  • Les tables seront orientées sud et inclinées à 15°, soit 0,80m du sol en bas et 3m du sol en haut.
  • On y accèdera via l’aire de covoiturage, et il y aura divers locaux (poste de transformation, poste de livraison, local de maintenance, réserve d’eau de 120m3 en cas d’incendie).
  • Les premières habitations (village du Bois à l’ouest) sont situées à plus de 450m.

Durée des travaux estimée : 6 mois (mise en production prévue en 2025)

Durée d’exploitation estimée : 30 ans (perte d’efficacité de 0,5% / an)

L’avis de la MRAe des Pays de la Loire

On a donc en premier lieu l’avis rendu par la Mission Régionale d’Autorité Environnementale des Pays de la Loire du 8 juin 2022 (oui, ça dure très longtemps une consultation, le projet a été soumis en 2021).

1er point : une partie de la zone s’est « renaturée »

Quand l’autoroute a été construite autour, il y avait des haies encore présentes qui ont été préservées car le terrain se trouve dans une ZNIEFF (Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique) de type 2 « zone de bois et bocage à l’est de La Roche-sur-Yon, en plus d’arbustes et de fourrés qui s’y sont développés depuis et servent d’habitat à plusieurs espèces animales. On note surtout :

  • Des haies de chênes de plus de 70 ans qui accueillent la tourterelle des bois et la fauvette des jardins (toutes deux inscrites sur la liste rouge des oiseaux menacés en France)
  • Des fourrés et arbustes qui accueillent des reptiles protégés dont le lézard à deux raies et la couleuvre verte et jaune, ainsi qu’un oiseau protégé : le Bruand jaune
  • Des espaces de fourrés plus grands où se reproduisent plusieurs couples de linottes mélodieuses, espèce protégée et menacée
  • Et des chiroptères qui s’en servent comme terrain de chasse

Je vous passe les détails mais en gros Urbasolar conserverait à peine quelques végétaux abris en bordure (27% de haies retenues), ce qui ne va pas beaucoup protéger nos espèces protégées…

Article L411-1 – Code de l’environnement

I. – Lorsqu’un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient la conservation d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées, sont interdits :

1° La destruction ou l’enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle […] 

2ème point : pourquoi ce site, cette techno et autres questions

Ici, la MRAe s’interroge sur les raisons qui ont poussé à choisir ce site en particulier par rapport aux autres pressentis. Le dossier qui leur a été transmis est apparemment un peu léger. De même, Urbasolar a joint des exemples de ses réalisations incluant une autre technologie de tables équipées de trackers permettant de suivre la course du soleil. La MRAe se demande pourquoi ce sont des tables fixes qui ont été préférées ici. A priori, il manque pas mal d’infos comme la méthode de calcul pour estimer que la centrale couvrira la consommation de 822 foyers, ou pour estimer les 72 tonnes de CO² évitées chaque année grâce à elle… Enfin, forcément si on supprime la végétation locale on sacrifie ce qu’elle représente en termes de captation et stockage carbone, ce qui est apparemment trop sommairement traité dans le dossier alors que c’est un problème central.

Conclusion de l’avis de la MRAe : Le projet aura un impact positif en matière d’environnement (énergie renouvelable remplaçant une énergie fossile) mais il faut prendre en compte la suppression d’un espace de stockage carbone et la mise en danger de sa biodiversité. – PDF de l’avis complet

Les étapes suivantes

Même si je vais les lire, je ne vais pas vous détailler tout le contenu des autres documents mais juste vous pointer quelques éléments intéressants selon moi :

Le mémoire de Urbasolar en réponse à la MRAeLe PDF du mémoire complet est intéressant car il détaille, cartographies à l’appui (page 3-4), comment ils ont sélectionné ce site parmi plein d’autres terrains « dégradés » sur l’agglomération et pourquoi il respecte la doctrine administrative (ici) mise en place en janvier dernier pour faciliter ce genre de projet, notamment sur les délaissés autoroutiers. Les explications sur les calculs d’émissions carbone sur le cycle de vie de l’installation sont aussi intéressantes en page 5.

La carte de Géorisques sur les sites pollués et anciens sites industriels (dispo ici)

L’avis du SCOT (Schéma de COhérence Territoriale, + d’info ici) et donc du syndicat mixte du Pays Yon et Vie (ici) sur le permis de construire à accorder – « Le projet n’impacte pas la trame verte et bleue du SCOT, les impacts identifiés sur le milieu naturel sont évités, réduits ou font l’objet de mesures d’accompagnement. » Bref, avis favorable. + Avis favorable du maire ici.

A savoir qu’il y a encore plein d’autres documents intéressants dans les annexes, notamment le résumé non technique de l’étude d’impact beaucoup plus détaillé (ex : tableau ci-dessous).

Résumé des pour et contre la centrale photovoltaïque

On va essayer de rester objectifs même si ce n’est jamais facile.

Arguments en faveur d’une centrale photovoltaïque à la Roche-sur-Yon :

  • Il ne fait aucun doute que l’énergie solaire est une énergie renouvelable intéressante (et même infinie vu que le soleil devrait commencer à donner des signes de faiblesse dans 5 milliards d’année) car elle ne génère pas de rejets et très peu de nuisances (pas d’odeur, pas de bruit…) même s’il ne faut pas oublier que l’installation peut élever la température locale.
  • Proposer à 822 foyers de ne plus consommer d’énergies fossiles, c’est très intéressant aussi (même s’il faudra quand même préciser la méthode de calcul et si ça inclut le chauffage ou non)
  • Le site en question est bien un site qui n’a pas d’utilité en soi et qui n’a sans doute été épargné par la construction de l’autoroute que par un hasard géométrique. On peut aller jusqu’à louer la volonté de reconquête des friches et sites pollués de manière générale.
  • Et puis le solaire permet, dans l’absolu, d’occuper le sol en-dessous, pas ici mais par exemple dans les parkings ou sur le toit des immeubles, et l’installation ne présente pas de danger d’accident catastrophique a priori.

Arguments contre les centrales photovoltaïques, à étudier au cas par cas :

  • Dire qu’une centrale solaire est un projet neutre serait néanmoins une grossière erreur, surtout si l’existant sur le terrain choisi a une valeur environnementale. Même si l’impact CO² de son cycle de vie est minime par rapport au charbon, au fioul etc., il reste plus élevé que l’éolien, l’hydraulique ou même le nucléaire, ce qui n’en fait pas une mauvaise énergie mais il faut juste le savoir.
Base Carbone de l’ADEME – image trouvée dans cet article de We Are Green
  • Ainsi, on pourrait évidemment penser que sauver 3 piafs et un lézard ne justifie pas de ne pas construire la centrale. Le problème c’est qu’en s’affranchissant des règles écologiques que nous nous sommes fixés collectivement (liste d’espèces protégées, sanctions en cas de « perturbation intentionnelle »…), on glisse forcément vers des exceptions répétées qui mettent en danger la biodiversité. Alors « cas par cas » ou « zéro tolérance » ? A chacun de se faire son opinion.
  • On peut ensuite s’interroger sur la provenance du matériel. Pour avoir fait faire des devis récemment, la différence entre un panneau produit en France et en Chine, c’est quasi +25% du prix. Quels panneaux va utiliser Urbasolar ? Mystère… J’ai vérifié dans leur dossier, ils ne le disent pas et je ne sais pas s’ils sont tenus (c’est quand même un marché public !) de préférer des panneaux français.
  • Il faut aussi regarder les travaux nécessaires avant l’installation de la centrale. Dans certains projets plus qu’idiots, il a fallu couper des centaines d’arbres (je pense à la centrale de Saucats en Gironde : 1000 ha de forêts sacrifiés) et se priver de leur capacité de stockage carbone sans même parler de la biodiversité. Ici en Vendée, les dégâts sont peut-être limités mais restent réels, d’autant plus qu’il y aura aussi les travaux de raccordement électrique au poste source de Sirmière opérés par Enedis sur 2 km.

Mon avis général (pas facile) en conclusion

Clairement, je pense que l’installation d’une 10ème centrale photovoltaïque en Vendée est une bonne chose car cela va dans le bon sens, presque dans le sens de l’Histoire (sortie des énergies fossiles). C’est vraiment le genre de projet à étudier au cas par cas pour calculer le gain réel et les risques pour l’environnement localement. Je dois dire que j’ai apprécié que la MRAe ait poussé ses observations et questions autant que nécessaire et que cette procédure de consultation publique (bien que lourde) existe et soit respectée. Obliger un prestataire privé à mener une enquête approfondie avant toute pose de gravillon sur le terrain n’allait certainement pas de soi il y a encore quelques décennies. Les doutes que je conserve concernent le choix final du terrain (une fois les espèces protégées découvertes) par rapport à d’autres (il y en avait un paquet de disponibles sur les cartes de leur mémoire), et la survie de ces espèces protégées une fois la centrale construite.

BONUS : La carte des centrales solaires en Vendée (bon, faite à 22H sur Paint hein) avec la galerie de vues satellite GMaps en-dessous. Toujours selon ce jeu d’open data, les 9 existantes sont toutes en service. Seule celle du Poiré-sur-Vie est sur tables mobiles (donc elle suit la course du soleil).

Au passage, le modèle de données n’est pas complet puisqu’il n’y a pas la signification des en-têtes de colonnes… grrr ! C’est quand même bête de ne pas faire le truc jusqu’au bout ! Du coup, j’ai une colonne « rend-modul » qui me semble correspondre au rendement (d’un module, de tous les modules ?) et je n’ai pas l’unité de mesure (GW/h ? KW/h ?). Oh bah de toute façon, on n’a ces données que pour 2 centrales sur 9 alors pourquoi chercher… ON VEUT DES JEUX COMPLETS ET DOCUMENTÉS !!! Répétez avec moi !!! 😀

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