2,7 millions d’auto-entrepreneurs et aucune obligation RSE ?
En testant l’outil de simulation du Portail RSE avec mon numéro de SIREN, je découvre sans surprise que je n’ai aucune obligation RSE, aucune obligation liée à ma Responsabilité Sociétale des Entreprises. Légalement, je ne suis donc pas obligée de contribuer aux enjeux du développement durable (social + environnemental). Le truc, c’est que nous sommes 2,7 millions d’auto-entrepreneurs en France. Alors bien sûr, je ne souhaite pas forcément qu’on ajoute des contraintes réglementaires à ce statut qui doit rester le plus simple possible, c’est son intérêt principal. En revanche, qu’on ne nous inclut pas dans ce travail collectif et qu’on ne nous conseille rien pour améliorer notre empreinte sociale et écologique me paraît dommage. Alors je creuse !
Quelles sont les activités des auto-entrepreneurs en France ?
Bizarrement, trouver des chiffres récents n’a pas été si facile, surprenant : des études INSEE qui datent de 2006 ou de 2010, des documents de l’URSSAF qui se focalisent sur l’évolution (quel secteur en hausse, en baisse), bref j’ai mis un moment à trouver ces données 2023 dans un PDF (donc non-triable / exploitable). J’ai choisi de ne prendre en compte que les auto-entrepreneurs économiquement actifs, c’est-à-dire qui ont déclaré un chiffre d’affaires positif sur la période étudiée (dernier trimestre 2023).
Les 3 activités regroupant le plus d’autoentrepreneurs sont les « autres services personnels », l’industrie et l’enseignement, suivies de près par la santé et les soins du corps. On va quand même se faire un top 10 des activités des auto-entrepreneurs en 2023 :
- Autres services personnels* : 97 900 AE économiquement actifs au dernier trimestre 2023
- Industrie : 95 300 auto-entrepreneurs
- Enseignement : 92 400 auto-entrepreneurs
- Santé : 85 300 auto-entrepreneurs
- Coiffure et soins du corps : 82 300 auto-entrepreneurs
- BTP travaux de finition : 72 800 auto-entrepreneurs
- Arts, spectacles et autres activités récréatives : 71 100 auto-entrepreneurs
- Activités de nettoyage : 69 800 auto-entrepreneurs
- Conseil pour les affaires et autres conseils de gestion : 68 200 auto-entrepreneurs
- Autres activités scientifiques et techniques** : 60 400 auto-entrepreneurs
* Cette classe NAF 96.09Z est un vrai fourre-tout, on y retrouve aussi bien les astrologues et spirites que le dressage d’animaux, les psychologues auprès des particuliers, les sophrologues, les tatoueurs, les cireurs (???), les hôtesses ou les agences de rencontres.
** Celle-ci est encore plus floue mais bon, l’INSEE nous dit que cette classe « comprend des activités très diverses de services généralement fournis à des entreprises et requérant des niveaux de compétences professionnelles, scientifiques et techniques »…
Encourager les auto-entrepreneurs à réduire tout de même leur empreinte
Comme je l’ai signalé au Portail RSE via ce post Linkedin, on peut faire mieux qu’un message « Vous n’avez aucune obligation RSE » pour les auto-entrepreneurs. Alors prêtons-nous à l’exercice et imaginons ce qu’on pourrait conseiller à ces 2,7 millions d’entrepreneurs afin d’obtenir un effet massif sur l’environnement, même si 0,1% appliquaient ces conseils.
Des recommandations générales pour diminuer l’empreinte carbone des auto-entrepreneurs
On pourrait commencer par leur indiquer un outil gratuit en ligne pour faire un bilan carbone simplifié afin qu’ils se rendent compte de ce que leur activité émet et qu’ils puissent identifier les principaux postes d’émissions afin de prioriser leurs actions. Malheureusement, je n’ai pas trouvé d’outil adapté aux TPE et gratuit, c’est clairement à inventer et promouvoir. Imaginez qu’on ait juste, là aussi, à entrer son SIREN et qu’on nous pose des questions pertinentes par rapport à notre activité exercée par une seule personne ! Ce serait assez génial, je pense. (J’ai essayé avec Nos Gestes Climat pour voir si on pouvait adapter à la vie professionnelle mais ce n’est pas pertinent.)
Si je tente malgré tout de réfléchir à quelques recommandations générales utiles aux auto-entrepreneurs pour réduire leur empreinte écologique et en me basant sur ma propre activité de conseil, j’arrive à quelque chose comme ça :
- Concernant votre lieu de travail (chez vous ou dans un bureau loué), on peut commencer à réaliser des économies d’énergie assez simplement :
- en utilisant des ampoules à LED basse consommation
- en éteignant les appareils type ordinateurs, imprimantes la nuit et en configurant leur mise en veille dès qu’on s’absente plus de 10-15 minutes
- en mettant un pull l’hiver pour ne pas abuser du chauffage et le régler de façon raisonnable, idem pour la climatisation l’été bien sûr
- choisir un fournisseur d’énergie verte si possible
- et si vous pouvez investir, bien sûr, penser à des panneaux solaires (en sachant que quand on loue un bureau ou un espace dans un immeuble d’entreprises, on doit pouvoir négocier le partage des coûts de tels investissements entre les locataires et l’avantage c’est qu’on y travaille que dans la journée en général donc on peut faire principalement de l’auto-consommation)
- Concernant la mobilité et les trajets liés au travail, là aussi il y a pas mal de solutions comme :
- les transports en commun, le vélo ou la marche pour les déplacements courts
- le télétravail bien sûr (c’est même souvent l’avantage d’être auto-entrepreneur, pas besoin de demander la permission si son activité le permet)
- le covoiturage (si ça se trouve, vous êtes 3 auto-entrepreneurs de votre ville à vous rendre chaque jour dans le même hôtel d’entreprises ou pépinière)
- le train plutôt que l’avion pour les voyages d’affaires, mais aussi le covoiturage
- la visioconférence qui permet de ne pas aller voir ses clients aussi souvent à l’autre bout du département ou du pays (personnellement, je l’utilise énormément et mes clients le comprennent très bien quand je leur explique que c’est pour la planète)
- Concernant l’usage du numérique, sans parler de vider régulièrement sa boîte mail (même si c’est très bien !), on peut quand même mettre en place quelques réflexes simples :
- Ne pas mettre une grosse signature en image ou avec image à la fin de ses e-mails et modérer la taille des pièces jointes en fonction de l’usage (si vous envoyez une maquette V0 juste pour avis, elle n’a peut-être pas besoin de faire 450 Mo comme le fichier final que vous devrez transmettre à la fin des échanges, idem pour les PDF avec beaucoup d’images dont la taille peut être réduite par 10 en les optimisant simplement sans perte visible de qualité, et puis la compression en .zip ou .rar ça existe)
- Si vous avez (vraiment) besoin d’un nouveau smartphone, tablette, PC portable, essayez de regarder du côté de l’occasion ou du reconditionné (il n’y a pas de honte à chercher sur LeBonCoin ou autre pour voir si un voisin n’en vend pas un moins cher et sans nécessiter un trajet de 10 000km). Dans la même veine, je crois sincèrement que l’époque où il fallait absolument avoir un gros téléphone bien cher et dernière génération bien en vue sur la table à un rendez-vous est révolue. Essayez de ne pas céder à l’envie de posséder seulement un « signe extérieur de richesse » auquel seules quelques personnes sont encore sensibles et à tort.
- Sur les sites internet et le volume de data, il y aurait trop à dire mais sachez juste qu’il est préférable de créer des sites assez simples (sans images géantes et vidéos auto-hébergées) et stockés chez des hébergeurs français si possible ayant une démarche écologique.
- Concernant les petites choses du quotidien au travail :
- Privilégier les fournitures de bureau écologiques et durables, quitte à les payer un tout petit peu plus cher (est-ce que payer 1€ de plus sur une ramette de papier recyclé/recyclable chaque mois va vous mettre sur la paille ?)
- Eviter les bouteilles plastique et les contenants à usage unique en utilisant une gourde et un bon vieux contenant en verre facile à laver et à faire chauffer au four à micro-ondes
- Louer une machine dont vous n’aurez besoin que quelques fois dans l’année plutôt que de l’acheter (ou alors l’acheter à plusieurs dans un hôtel d’entreprises ou une pépinière), ce qui pourrait s’appliquer aux métiers de conseil (une imprimante 3D pour prototyper rapidement ? un aspirateur ?) comme au BTP Travaux de finition.
- Bien sûr faire le tri des déchets, réutiliser les brouillons de papier (oui, une feuille a 2 côtés), composter les déchets de cuisine, privilégier les documents dématérialisés stockés sur un serveur sécurisé avec redondance des données plutôt que des stocker des liasses de papier que la première inondation ou fuite détruira.
- Vous pouvez même sensibiliser et intéresser à la RSE les autres auto-entrepreneurs ou TPE avec qui vous êtes en contact chaque jour ! L’astuce est d’insister autant sur les économies financières que sur l’intérêt de préserver la planète pour vos proches et vos enfants, et de ponctuer en leur demandant d’imaginer si les 2,7 millions d’auto-entrepreneurs en France faisaient de même ! Sans compter, j’allais l’oublier, que cela peut aussi améliorer l’image de marque de vos entreprises.
Des recommandations sectorielles à creuser bien sûr
- Dans les services personnels : rendez-vous en visioconférence si possible, supports marketing compatibles développement durable, produits d’entretien écologiques et biodégradables…
- Dans l’industrie : faire très attention au tri et au recyclage des déchets industriels, optimiser la consommation ou la revalorisation des matières premières (chutes, pertes, gaspillages…), installer des détecteurs de présence dans les ateliers ou usines pour optimiser l’éclairage ou le chauffage, et bien sûr explorer la possibilité d’alimenter son activité avec des énergies renouvelables, s’intéresser à l’économie circulaire car vos déchets ou extrants sont peut-être l’or ou les intrants d’un voisin
- Dans l’enseignement : le sujet est un peu plus complexe car j’ai souvent entendu des recommandations comme « créer des supports numériques » mais en réalité, si cela oblige chaque apprenant à acheter une tablette ou un PC ce n’est pas forcément la meilleure idée (donc à voir au cas par cas), en revanche recréer de la convivialité dans l’enseignement en proposant aux classes ou groupes de gagner en autonomie (co-créer le cours, passer en mode projet, évaluation entre pairs, classe inversée), ça n’a pas grand chose à voir avec l’écologie (quoique) mais c’est cool et un autoentrepreneur a parfois plus de liberté pour innover qu’un salarié en centre de formation ou qu’un professeur dépendant de l’éducation nationale alors profitons-en !
- Dans la santé, la coiffure et les soins du corps, les activités de nettoyage : dématérialiser les factures, utiliser des produits d’hygiène / désinfection / cosmétiques éco-labellisés, installer des économiseurs d’eau, donner les cheveux coupés aux associations spécialisées, etc.
- Dans le BTP travaux de finition : privilégier les matériaux écologiques et les peintures à faible teneur en COV, optimiser les déplacements/transports/approvisionnements en ayant une bonne gestion du calendrier des chantiers (voire, dans la campagne vendéenne, j’ai vu récemment des attelages de chevaux/ânes être utilisés pour retirer les troncs d’arbre coupés sur un chantier), mettre en place une gestion ambitieuse du tri et de la valorisation des déchets de chantier (comme pour l’industrie)
- Dans les arts et spectacles : il y a beaucoup de belles économies à réaliser car ce domaine intègre de nombreux vecteurs (l’événement en lui-même, sa préparation, le matériel, le public…), par exemple utiliser des décors et costumes réutilisables ou upcyclés, préférer des éclairages LED, encourager le public à utiliser le bus ou le métro pour s’y rendre, bannir les bouteilles plastique bien sûr, etc.
- Dans le secteur du conseil ou des autres activités scientifiques et techniques : on pensera en premier aux réunions en visioconférence pour limiter les déplacements de tous les acteurs d’un projet, mais aussi à tout ce qu’on a déjà dit en matière de matériel reconditionné, recyclage des consommables, dématérialisation, etc.
Il va de soi que cette liste permet juste de donner quelques idées et qu’une consultation avec chaque activité précise serait extrêmement intéressante pour ajuster réellement l’effort aux capacités et opportunités de chaque métier. J’adorerais faire ça avec des volontaires (bénévolement) si vous avez envie, contactez-moi (sinon, ce serait un beau métier de conseil spécialisé à inventer : optimisateur écologique de TPE).
Un calcul assez fou pour conclure
J’ai choisi 7 recommandations parmi les plus simples (selon moi) et j’ai demandé à l’IA générative Solar large de m’aider à estimer la réduction de CO² annuelle à laquelle on pourrait arriver si 50% des auto-entrepreneurs les suivaient. Je vous laisse apprécier :
[pre-prompt, j'utilise un Espace dans Perplexity où j'ai mis des instructions pour insister sur son expertise environnementale, réduire sa tendance à affabuler et lui ordonner de vérifier ses informations/citer ses sources, mais bon même avec ça, ce calcul n'a aucune valeur scientifique prouvée, on est d'accord.]
Prend les recommandations suivantes et calcule le CO² évité par l'ensemble des autoentrepreneurs français sur une année :
- ampoules LED
- éteindre et mettre en veille les appareils numériques
- mettre un pull pour garder le chauffage à 20°
- remplacer 5 voyages de 50/100/200/300/400 km par an par des visioconférences
- acheter un pc portable reconditionné dans sa ville sur une plateforme comme leboncoin
- réduire la taille de ses fichiers joints dans les e-mails
- remplacer les bouteilles d'eau en plastique par une gourde
Réduis tous ces chiffres de moitié pour ne prendre en compte que 50% des autoentrepreneurs.
Sa réponse : « D’après les calculs effectués, si 50% des auto-entrepreneurs en France (soit environ 1,35 million) mettaient en place les 7 recommandations mentionnées, la réduction potentielle des émissions de CO₂ serait la suivante :
Détail des réductions par recommandation
- Utilisation d’ampoules LED : 1 080 000 tonnes de CO₂
- Éteindre et mettre en veille les appareils numériques : 135 000 tonnes de CO₂
- Mettre un pull pour garder le chauffage à 20° : 37 800 tonnes de CO₂
- Remplacer 5 voyages par des visioconférences : 850 500 tonnes de CO₂
- Acheter un PC portable reconditionné : 337 500 tonnes de CO₂
- Réduire la taille des fichiers joints dans les e-mails : 6 750 tonnes de CO₂
- Remplacer les bouteilles d’eau en plastique par une gourde : 13 500 tonnes de CO₂
Analyse
Même avec seulement la moitié des auto-entrepreneurs adoptant ces pratiques, l’impact reste considérable. Les actions les plus efficaces demeurent :
- L’utilisation d’ampoules LED (43,9% de la réduction totale)
- Le remplacement des voyages par des visioconférences (34,6%)
- L’achat de PC portables reconditionnés (13,7%)
- L’extinction des appareils en veille (5,5%)
Les autres actions, bien que moins impactantes à l’échelle globale, contribuent tout de même à la réduction des émissions et peuvent avoir des effets positifs supplémentaires sur l’environnement et la sensibilisation des auto-entrepreneurs aux enjeux écologiques. Cette réduction de plus de 2,4 millions de tonnes de CO₂ par an représente une contribution significative à la lutte contre le changement climatique, même si elle ne concerne que la moitié des auto-entrepreneurs français. Cela souligne l’importance de sensibiliser et d’encourager l’adoption de ces pratiques écoresponsables au sein de cette communauté professionnelle. »