François, le Pape Solarpunk

Je ne peux pas commencer cet article sans évoquer l’émotion qui traverse le monde aujourd’hui : le pape François est décédé ce lundi 21 avril 2025, à l’âge de 88 ans, des suites d’un AVC. Que l’on soit croyant ou non (je ne le suis pas), difficile de ne pas reconnaître l’empreinte qu’il a laissée, notamment par son engagement en faveur des plus fragiles et de la planète. Son encyclique Laudato si’ de 2015 sur la sauvegarde de la maison commune (notre planète), reste l’un de ses textes majeurs et il m’a fortement marquée à l’époque. C’est justement ce texte que je vous propose de mettre en perspective avec le mouvement solarpunk car peut-être ne retrouvera-t-on pas de sitôt un tel pape porteur d’espoir…

L’encyclique « Laudato si’ » complète en PDF

Quand le pape François rencontre le solarpunk : le contenu inattendu de Laudato si’

Si vous me lisez régulièrement, vous savez que j’aime bien croiser les mondes et les imaginaires. Et là, franchement, il y a matière : d’un côté, la voix du pape François, qui nous invite à « unir toute la famille humaine dans la recherche d’un développement durable et intégral, car nous savons que les choses peuvent changer » (Laudato si’, §13). De l’autre, l’élan solarpunk, qui rêve et construit un futur où la technologie est au service du vivant, où la justice sociale et l’écologie sont indissociables, et où l’utopie n’est pas un gros mot.

Synode 2023 : le pape François reçoit une plante des mains d’une femme appartenant à une minorité indigène.

Petit tour d’horizon des ponts (parfois surprenants) entre les deux :

Critique du productivisme et appel à la sobriété

Dès les premières pages, le pape François dénonce « l’utilisation irresponsable et l’abus des biens que Dieu a déposés en [la Terre] » (Laudato si’, §2). Il va jusqu’à parler de « la logique du pouvoir et de l’accumulation qui conduit à l’exploitation sans limite de la nature » (Laudato si’, §6). Cela résonne très fort avec la critique solarpunk du capitalisme extractiviste et de la croissance infinie. Dans le solarpunk, on cherche d’autres modèles : économie circulaire, low-tech, autonomie énergétique, partage… Exactement ce que le pape appelle de ses vœux quand il parle de « changement presque radical dans le comportement de l’humanité » (Laudato si’, §4).

L’encyclique ne mâche pas ses mots sur nos modes de vie modernes. Le pape François dénonce la « culture du déchet » – cette tendance à tout jeter, objets comme êtres humains, dès qu’ils ne servent plus – qui pollue la planète et marginalise les plus faibles​. En filigrane, il appelle à repenser notre modèle de développement, à embrasser une voie plus sobre et solidaire, quitte à « accepter une certaine décroissance » (​reporterre.net) sur le plan matériel. Le Pape serait-il devenu un militant écolo anti-gaspi ? 🙂

Justice sociale et environnementale : tout est lié

Une des phrases les plus fortes de l’encyclique est celle-ci :

« l’environnement humain et l’environnement naturel se dégradent ensemble, et nous ne pourrons pas affronter adéquatement la dégradation de l’environnement si nous ne prêtons pas attention aux causes qui sont en rapport avec la dégradation humaine et sociale »

(Laudato si’, §48)

Le solarpunk, c’est justement cette vision d’ensemble : impossible d’imaginer une ville verte sans justice sociale, sans égalité, sans inclusion. Les luttes écologistes et sociales sont indissociables, et le pape le martèle : « une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres » (Laudato si’, §49).

En 2021, le pape François a mis en pratique son encyclique en créant un cursus environnemental à l’université pontificale de Rome, ici en présence du Cardinal Angelo de Donatis et du Patriarche Bartholomew, « afin que nous plantions de la beauté et non la pollution et la destruction » (“so that we sow beauty and not pollution and destruction” – source CBCPNEWS.net).

La technologie : ni messie, ni ennemie

Le pape François n’est pas technophobe, mais il met en garde contre la « confiance aveugle dans les solutions techniques » (Laudato si’, §14). Il insiste sur la nécessité de « développer des technologies qui respectent la dignité humaine et la création » (Laudato si’, §102-104). Là encore, le solarpunk est pile dans cette veine : on aime les makers, l’open source, les low-tech, mais toujours avec l’idée que la technologie doit être appropriée, locale, pensée pour renforcer la résilience des communautés, pas pour enrichir quelques géants du numérique.

L’imaginaire, l’espérance et l’action collective

Ce que j’adore dans Laudato si’, c’est ce refus du fatalisme : « L’humanité possède encore la capacité de collaborer pour construire notre maison commune » (Laudato si’, §13). Le pape François invite à « une nouvelle solidarité universelle » (Laudato si’, §14), à « cultiver une imagination nouvelle, capable de rêver et de bâtir un monde différent » (paraphrasé). C’est exactement l’ADN du solarpunk, qui propose des récits, des images, des prototypes pour rendre désirables des futurs alternatifs. Et qui croit à la force du collectif : « Les talents et l’implication de tous sont nécessaires pour réparer les dommages causés par les abus humains à l’encontre de la création de Dieu » (Laudato si’, §14).

Fait notable, Laudato Si’ a reçu un accueil enthousiaste bien au-delà du monde catholique. Pour des penseurs écologistes non chrétiens comme Naomi Klein ou Alain Lipietz, ce texte a représenté « un vent nouveau d’espoir » et l’amorce d’une alliance aussi improbable que nécessaire entre l’Église et les militants verts​ (rcf.fr). Qui aurait cru voir un jour des activistes citer un passage d’encyclique dans un manifeste climat ? Et pourtant, c’est bien ce qui s’est passé après 2015.

Des limites, mais une même urgence

Bien sûr, tout n’est pas aligné à 100 %. Le solarpunk est parfois plus radical, plus « punk » dans sa critique des institutions, alors que le pape reste dans une perspective de réforme. Mais sur le fond, il y a une vraie convergence : refus du désespoir, appel à l’action, à la justice, à la créativité.

On peut également noter que le pape François n’est pas le seul représentant religieux à évoquer le besoin de protéger la Terre. C’est un appel que l’on retrouve dans d’autres religions, notamment l’Islam où l’homme est censé être le gardien du royaume divin (la Terre). Mais c’est une autre histoire.

En conclusion : l’héritage d’un pape (très) solarpunk ?

En ce jour de deuil pour des millions de personnes, je retiens cette leçon : « Nous sommes appelés à être les gardiens de la maison commune » (Laudato si’, §53). Que vous soyez croyant, agnostique ou simplement curieux, il y a dans ce texte – et dans le mouvement (non-religieux) solarpunk – une même urgence à agir, à rêver, à construire ensemble. Parce que, oui, « tout est lié » (Laudato si’, §91).

Si vous voulez creuser le sujet du SOLARPUNK, téléchargez gratuitement le Manuel Solarpunk en ligne : https://solarpunk85.itch.io/manuel-solarpunk-2025

Alors, prêt/es à enfiler vos bottes de jardinier, vos lunettes de bricoleur/se, votre bulletin de vote et votre casquette de rêveur/se pour bâtir ce futur désirable ?

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